Hokkaïdô, ascension de l'Asahi-dake...

Publié le par Adri

Asahi-dake (旭岳) ou le Mont-Asahi est le toit d'Hokkaïdo. Culminant à 2.291 mètres d'altitude, il est le point le plus élevé de toute l'île. Cette hauteur, relativement peu élevée comparée aux sommets dépassant allègrement les 3.000 mètres dans les Alpes japonaises, sans parler du Mont-Fuji, est quelque peu surprenante quand on sait que l'île est le haut-lieu du ski japonais puisque l'hiver est célèbre pour être recouvert de plus de 13 mètres de neige annuelle. Cette abondance de flocons est due aux latitudes importantes ainsi qu'aux faibles températures en hiver.
Le Mont-Asahi est situé dans le secteur nord du parc national Daisetsuzan, un parc naturel classé trésor national. Il doit cette célébrité au fait qu'il est considéré comme un vivier naturel exceptionnel de la faune et de la flore sauvage. Renards rouges japonais, cerfs, écureuils rouges zébrés et surtout ours bruns ont élu domicile dans cette contrée boisée et extrêmement sauvage. Le parc, qui est le plus étendu du Japon, est également reconnu comme le plus fameux du pays pour les sports d'hiver. Il est également prisé par les randonneurs l'été grâce à ses kilomètres de chemins de randonnés.
On accède à l'Asahi-dake par le biais d'un téléphérique ultra moderne qui se découpe dans le paysage avec sa couleur rouge vive. Le coût du trajet est exorbitant mais l'investissement en vaut clairement la peine et permet d'éviter les deux heures trente de marche serpentant à travers des forêts obscures. Le téléphérique porte les visiteurs de la station Sanroku à la station Sugatami sise à environ 1.600 mètres d'altitude. Sa présence a permis de dynamiser les lieux et de fidéliser les visiteurs. En effet, l'ascension de l'Asahi-dake est suffisamment éprouvante dans sa seconde partie pour s'abstenir de parcourir à pied la première tranche. La station Sugatami est le point de départ de plusieurs routes parcourant le parc national Daisetsuzan. Le parc est un groupe volcanique très actif situé sur l'arc des Kouriles qui fait partie de la grande ceinture de feu du Pacifique. Cette activité volcanique fait du parc un haut lieu pour profiter des vertus des onsen, sauvages ou exploités de façon plus commerciale. L'Asahi-dake est un stratovolcan, ce qui signifie qu'il est constitué par l'accumulation de laves et de pyroclastites. La lave visqueuse et pâteuse qui s'en dégage forme cette structure conique aux pentes très prononcées. Cette caractéristique explique la difficulté qu'il est possible d'éprouver lors de la montée du plus haut sommet d'Hokkaïdo. A partir du téléphérique, deux sentiers sont aménagés pour profiter des lieux dans les meilleures conditions. Les deux chemins se séparent au niveau d'un petit lac naturel, entouré, même en plein été, par des plaques de glaces. Un court sentier propose une boucle pour revenir à la station du téléphérique. Nous empruntons donc le chemin caillouteux de droite, en direction du sommet. Les visiteurs japonais tirent trois fois sur la cloche installée au pied du volcan, sans aucun doute pour invoquer la clémence de la montagne avant d'affronter ses pentes abruptes. La montagne est impressionnante, nappée dans un brouillard pénétrant, frappée par un vent froid et arrosée par une pluie fine et glaçante. Au fur et à mesure que nous franchissons ce rideau opaque, le son de la cloche, de plus en plus lointain et étouffé, renforce l'impression dantesque et enivrante. Nous avançons, pas à pas, dans les scories, cendres et autres pierres volcaniques, traversant régulièrement des courants d'air chargés de soufre. Les soufrières émettent de grands bruits de soufflerie mais il nous est impossible d'en identifier la source. Seule certitude, la route que nous arpentons est un chemin de crête dangereux, glissant et quelque peu interminable. Vous pouvez apprécier, ci-contre, l'itinéraire que nous avons suivi. Si votre vue est bonne, peut-être pourrez-vous me distinguer ou plutôt mes vêtements bleus à l'arrière-plan. Nous atteignons le sommet après un peu plus de deux heures de marche. Une jolie rencontre nous attend là-haut : deux randonneurs japonais nous narrent leurs souvenirs du lointain pays français, notamment leur ascension du Mont-Blanc il y a quelques années. Ces deux personnes, approchant les quatre-vingts ans, nous ravissent par leur humour et leur simplicité. Ils égrènent quelques mots de français, d'autres en anglais mais conversent la plupart du temps en japonais avec Charlotte. En fonction du contexte, de mots-clés et de leurs mimiques amusantes, il est possible pour moi aussi de saisir le sens de leurs propos ! Après avoir vainement attendu qu'une éclaircie dégage le panorama des sites en contre-bas, nous redescendons par le même chemin, happés par le froid et la brise ronflante.
Par bonheur, le vent commence à chasser les nuages et nous arrivons à distinguer de mieux en mieux les environs, notamment les soufrières du cratère, éventré comme peut l'être celui du Puy de la Vache dans la région Auvergne en France. Le spectacle est alors magnifique, le sommet se dégage et l'opacité brumeuse du matin se transforme en merveille pour les yeux. La montagne a cet avantage, qui est également un risque majeur, de connaître une météo très changeante en quelques instants. Autant, un périmètre dégagé et ensoleillé peut devenir un enfer de blizzard en quelques secondes, autant l'inverse est tout aussi probable. Le soleil a ainsi arrosé de ses rayons bienfaiteurs la descente du sommet où nous avons compris, enfin, pourquoi l'odeur de souffre était si forte. Voici quelques clichés de ces instants merveilleux :















Arrivés au carrefour de la cloche, nous pouvons admirer de près les soufrières. Ces dernières sont accessibles de façon assez proche. Les dégagements gazeux contenant du soufre forment alors des dépôts qui s'accumulent et se teintent d'un jaune pâle naturel, caractéristique naturelle du soufre présent à l'état sauvage. Les dépôts qui s'accumulent forment une sorte de cheminée appelée solfatare, un terme italien provenant du latin Sulpha terra signifiant "terre de soufre". Ce phénomène, qui a longtemps été considéré par les Romains comme l'entrée des enfers, est constitué de fumerolles principalement. Celles-ci sont des témoins capitaux pour mesurer l'activité volcanique, grâce à la mesure de leur température et leur pH, puisque les fumerolles ayant leur température s'élevant et leur pH marquant une accentuation de leur acidité prouvent un regain d'activité du volcan.















Nous empruntons alors le sentier dédié au retour vers la station d'arrivée du téléphérique. Ce chemin serpente, avec un faible dénivelé, à travers une végétation de pins miniatures et une flore particulièrement belle. Les plantations forment une sorte de tapis vert qui ne condamne pas la vue vers le volcan, sifflant et souffletant perpétuellement ses vapeurs sulfurées. De tous petits lacs que les guides locaux appellent des mares, sans que cette dénomination soit connotée péjorativement, agrémentent l'itinéraire dans un jeu de miroir impressionnant, reflet de la montagne dans les eaux d'un bleu profond.















La montagne nous a réservé ses plus belles couleurs, le brouillard s'est dissipé seulement quelques dizaines de minutes où nous sommes restés à contempler le paysage, ébahis par cette beauté, cette nature exceptionnelle accentuée davantage encore par les fumerolles de ses soufrières. Voici quelques clichés de ce paysage, sans commentaire :













































Comme l'atteste la dernière photo à droite, la parenthèse ensoleillée s'est rapidement refermée et il était temps alors de réemprunter le téléphérique pour rejoindre notre base de départ sise à Asahikawa (旭川). Cette dernière, deuxième ville d'Hokkaïdo avec ses trois cent soixante mille habitants, fait figure de petite ville pour nos yeux habitués à Tôkyô. Industrielle et peu animée, elle a le grand avantage d'être l'une des portes d'entrée du parc national Daisetsuzan et du Mont-Asahi, distant seulement de quarante kilomètres. Le Daisetsuzan est un nom d'origine Aïnoue, il signifie "le terrain de jeu des dieux"... Les dieux célèbrent et règnent, il est vrai, sur une véritable merveille, petite pépite de notre périple sur l'île du nord...

Publié dans Hokkaïdô

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