Hokkaïdô, les Aïnous et leur environnement

Publié le par Adri

Cet article est destiné à offrir une vision rapide du peuple Aïnou. Il est un résumé condensé et annoté par moi-même de plusieurs sources documentaires. Si ce sujet vous intéresse, je vous suggère d'effectuer des recherches sur Internet car j'ai relevé plusieurs sites assez complets et scientifiques, contrairement à mon article ne citant pas ses sources, sur une question ethnologique encore en débat.
Les Aïnous demeurent les habitants historiques de la région d'Hokkaïdô. Leur histoire est particulièrement dure mais relève tristement d'un "banal" fait de colonisation et d'expropriation comme le monde en a connu partout. Les Aïnous sont les humains autochtones du nord-est du Japon, Hokkaïdo, îles Kouriles et Sakhaline comprises. Ci-dessous, voici une carte des lieux habités historiquement par les Aïnous, colorés en rouge :
Carte A
Leur implantation est similaire à celle des Aborigènes en Australie ou à celle des Indiens d'Amérique. Les origines ethnologiques de ce peuple sont toujours assez méconnues et sont le centre d'un débat toujours d'actualité entre scientifiques. En tout cas, tous s'accordent pour dire que les Aïnous son morphologiquement et physiquement différents de la plupart des japonais, leur teint serait plus sombre et leur système pileux plus abondant. Des scientifiques ont rapproché leurs origines du Caucase, d'autres de l'Asie du sud-est ou de l'Amérique du sud. Toutefois, les dernières études, s'appuyant autant sur leurs caractéristiques linguistiques que culturelles ou structurant leur quotidien, les associent aux cultures océaniques et indonésiennes même si le courant les rapprochant des Mongoloïdes est toujours vivace. Aujourd'hui, les derniers descendants Aïnous vivent à Hokkaïdô où leur influence est importante bien que méconnue, notamment sur les noms de villes ou de sites, reprenant chacun la thématique de l'eau et des rivières, abondamment présentes dans cette région du Japon. Comme les Japonais, ils accordent une très grande importance à la nature et aux phénomènes naturels, ce qui leur permet de vivre en harmonie avec elle et ses habitants. Ce rapport quasi mystique et à coup sûr religieux inculque à toutes les générations d'Aïnous un profond respect de la nature et une autonomie exceptionnelle dans une région où les conditions climatiques sont peu propices à la survie, essentiellement l'hiver. Leur cohabitation avec l'ours, vénéré dont la crainte n'a d'égale que le respect que les Aïnous lui portent, est au centre de ces croyances. Pendant des siècles, les Aïnous ont vécu avec les ressources de leurs terres, échangeant ou commerçant leur matière première ou leurs oeuvres d'art, outils et armes dont l'apprentissage de confection a été possible grâce à leurs relations de voisinage avec les régions du fleuve Amour. Au XVème siècle, les japonais vont établir des bases économiques avec les Aïnous en les employant de manière injuste et discriminatoires. Ce siècle marque le début d'une longue et destructrice période de conflits entre eux. En 1855, date de signature du Traité de Shimoda, Edo va déclarer japonais les autochtones Aïnous afin de négocier la souveraineté des îles Kouriles face aux russes. Va suivre alors une véritable "japonisation" de ces territoire et des Aïnous : leur culture va être bafouée et leurs coutumes interdites comme le tatouage des femmes, les boucles d'oreilles des hommes... C'est une véritable politique d'assimilation forcée, une colonisation "culturicide". En 1875, Sakhaline est échangée aux russes contre l'intégralité des îles Kouriles et les Aïnous résidant sur Sakhaline sont expulsés au Japon, dirigés vers des réserves, soupçonnés de porter des maladies telles que la vérole... Tous les Aïnous sont ruinés, spoliés, humiliés et un acte visant officiellement à les défendre en 1899 ne fait que les anéantir un peu plus car les terres qui leur sont octroyées ne sont pas fertiles. Tout ce processus est modifié suite à la défaite japonaise lors de la Seconde Guerre mondiale. Les Kouriles deviennent russes (cf la fin de l'article précédent) et l'article 13 de la constitution à peine établie rend illégale la discrimination et l'assimilation des Aïnous. Des associations se forment et des moyens de pression existent alors. Ce n'est qu'en 1997, après la signature de plusieurs pactes diplomatiques inefficaces pendant trente ans, que le gouvernement japonais ratifie le fait qu'il existe une minorité au Japon et le libre culte de leurs croyances, le libre exercice de leurs coutumes et de leur langue sont rendus aux Aïnous. De plus est créé un centre de recherches et de préservation de leur héritage culturel. Lente et difficile reconnaissance d'existence aux Aïnous que ce processus, qui n'empêche toujours pas certaines discriminations sociales et économiques. 

Cette petite digression socio-historique a toute sa place dans le récit de notre voyage à Hokkaïdô. La région des lacs au sud de Shiretoko est le cadre de ce rappel social. En effet, à quelques encablures du lac Akan se trouve un espace dédié à l'héritage culturel Aïnou ; un petit musée, la reconstitution d'un village ancestral, des souvenirs à vendre, voilà l'affaire. Voilà surtout un cliché de ce lieu : 4 0772

Cet endroit présenté dans les guides touristiques locaux comme un passage incontournable est en réalité fort décevant. Il se dégage de ce lieu un sentiment de misère étrange, une banale réappropriation de la culture Aïnoue à des fins commerciales, sans que les tenanciers des échoppes n'enregistrent de fortes affluences touristiques. Le véritable coup de coeur que j'ai ressenti ici s'illustre dans les profondeurs du lac Akan et la prépondérance des Aïnous de préserver leur environnement. Le lac Akan qui figure parmi les plus connus au Japon recèle d'une particularité vraiment singulière : l'algue Marimo (毬藻). Littérallement, Marimo signifie "l'algue-balle". Sa forme est très caractéristique puisqu'elle se développe en formant une sphère au diamètre pouvant atteindre trente centimètres. Ce végétal aquatique est particulièrement rare dans le monde. marimo-ballA l'exception du lac Akan, on en trouverait en Islande et aux pays baltes (Estonie en tête). Sa croissance est extrêmement lente et son évolution fragile. Bien qu'elle s'accroche aux fonds rugueux, cette algue est indépendante de toute racine et se laisse couler, transporter par les courants. Particulièrement appréciée par les crevettes qui y trouvent nourriture et abris, elle est également un excellent outil de photosynthèse. Capable de résister à des températures extrêmement froides, notamment aux eaux prises par les glaces d'Akan en hiver, la Marimo est cependant très vulnérable. En premier lieu, elle est sujette aux incivilités des touristes car elle est classée trésor national depuis 1921. De même, elle est soumise aux conditions climatiques violentes, notamment les typhons et autres tempêtes qui les éjectent des fonds aquatiques. Les Aïnous ont depuis toujours exercé un rôle majeur dans la préservation de ce patrimoine végétal japonais. En créant des associations de protection, en surveillant leur croissance (il convient notamment de retourner les algues souvent pour offrir à l'intégralité de leurs filaments une captation suffisante de lumière), en les replaçant dans le lac après des tempêtes, en oeuvrant pour la création d'un musée biologique, etc., les Aïnous ont fait preuve une fois encore de leur respect et de leur amour de la nature et des traditions. La conservation de la Marimo marque la force de cet attachement.
Bien sûr, un "business plan" a été élaboré autour de cette ressource économique. Outre les innombrables points de vente de répliques des algues destinées aux aquariums privés, des circuits-découvertes ont été imaginés notamment avec des balades en bateau proposant des visions sous-marines. Voici un aperçu de la petite marina du lac :
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Les conditions environnementales locales sont particulièrement riches en matière d'hydrogéologie et de qualité de l'eau. La Marimo a besoin en effet d'évoluer dans une eau cristalline et très pure afin de percevoir les rayons du soleil indispensables. Le lac Akan est également le cadre d'illustration d'une activité souterraine impressionnante. Outre les maintenant habituelles fumées sulfureuses, d'étranges phénomènes s'extirpent du sol. Les plus impressionnants sont sans conteste les jaillissements de boue. Ce phénomène est appelé "les mares de boue", et il porte plutôt bien son nom. Une mare de boue est une source d'eau chaude ou de fumerolles d'origine volcanique où des bulles de gaz s'échappent à la surface. La différence avec les fumerolles réside dans le fait que la mare de boue se forme lorsque cette remontée souterraine brasse des sédiments. Cela crée un espace boueux, telle une marmite remuant une pâte en ébullition. Voici deux photos de cette bizarrerie géothermiques :
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Très souvent ce phénomène s'accompagne de geysers. On trouve des mares de boue dans les zones volcaniques géothermiques très actives, telles qu'au Yellowstone aux Etats-Unis d'Amérique, en Islande, Nouvelle-Zélande, Indonésie... La région des lacs d'Hokkaïdô est donc très surprenante et particulièrement enthousiasmante d'un point de vue écologique et géothermique. Pour terminer cet article, voici un dernier cliché du lac Akan, dont le littoral, vous l'aurez compris, témoigne d'une culture Aïnoue qui permet la préservation des lieux et des trésors naturels japonais. Cette sagesse, sans revendication historique irréaliste, nous fait réfléchir.
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Vous pouvez apercevoir les fumerolles s'échappant des rivages sur la droite de la photographie. In fine, pour clôturer la dimension Hokkaïdô, je vous propose, dans le prochain article, les clichés de lacs de ces vallons particuliers. L'un d'entre eux restera je pense la plus belle rencontre écologique que j'aurais réalisée dans mes différents voyages.

Publié dans Hokkaïdô

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A
<br /> Toujours aussi intéressant, l'impression de remonter le temps est carctérisée; les photos sont toujours magnifiques. C'est vraiment la découverte d'autre chose !<br /> <br /> <br />
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