L'art du Bonsaï

Publié le par Adri

Afin d'apporter un soupçon de légèreté à ce blog après la gravité des propos concernant Hiroshima, je voudrais aujourd'hui parler de l'art du Bonsaï (盆栽). Loin de moi l'idée de délivrer ici une leçon de botanique, j'en serais bien incapable, mais l'éclectisme de ces pages souffrait certainement d'un apport plus végétal depuis l'article lointain illustrant la période des cerisiers en fleurs. Pourquoi l'art du Bonsaï ? Cultiver une plante ou un arbuste dans un pot, telle est l'étymologie de ce mot dérivé du chinois, relève catégoriquement d'un art. Sa conception et sa culture intéressent particulièrement l'esthétisme. L'orientation de sa croissance obtenue par la technique botanique de ligatures des branches ainsi que les rempotages successifs ont pour but de construire une oeuvre d'art esthétique ressemblant à un arbre évoluant dans la nature. La culture des plantes en pot est vraisemblablement née en Egypte il y a plus de quatre mille ans pour des raisons de praticité et de mobilité mais ce sont les chinois, qui au début de notre ère, cultivèrent ces plantes en pot dans un souci esthétique. Les Bonsaïs avaient selon eux des vertus magiques de longévité et d'endurance. Ce n'est qu'au VIème ou VIIème siècle que des moines bouddhistes les importèrent au Japon. Bien que des marchands et autres voyageurs perpètuèrent l'importation d'arbres en pot au Japon à partir du XIIème siècle, l'art de cette activité, de ce que les japonais allaient appeler Bonsaï, ne fut intégré à la culture japonaise qu'en 1644 quand un haut fonctionnaire chinois fuyant la domination mandchoue emporta sa collection au Japon et initia à son art quelques japonais.
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L'avènement du Bonsaï au Japon au statut d'art s'est étiré dans le temps. Ce n'est en effet qu'en 1934 que la culture du Bonsaï est devenue un art japonais. De cette classification a découlé l'exposition annuelle de présentation des plus beaux Bonsaïs, qui se tient au musée des Arts de Tôkyô. La première exposition de ce type, avant 1934, est celle de 1914 où pour la première fois à Tôkyô, des Bonsaïs furent présentés au grand public alors que l'exposition de ces arbustes était réelle en Europe depuis l'Exposition Universelle de Paris, dont les thématiques étaient l'agriculture, l'industrie et les Beaux-arts, en 1878. Un frein réel à la constitution de cette culture en art provient de la production de masse des Bonsaïs. En effet, ils se ressemblent pour la plupart. Les spécialistes ont ainsi proposé aux amateurs de s'inspirer des paysages et des formes d'arbres réels pour guider l'évolution du Bonsaï. Ils réfutent ainsi l'idée de copier l'aspect d'un Bonsaï mais plutôt de chercher sa créativité dans l'état de nature. Ces arbustes doivent ainsi représenter la puissance d'un arbre, en gardant l'essence même de celui-ci.
Preuve d'une certaine redondance des aspects, il existe une classification des styles de Bonsaï. Celle-ci, que je ne saurais reprendre ici, dépend de la courbure du tronc, de la morphologie des branches et de la direction qu'elles épousent, de l'implantation des racines dans un rocher ou dans la terre... In fine, il existe beaucoup d'espèces d'arbres qui sont retranscrites en Bonsaï. Les plus couramment aperçues sont le sapin blanc, l'érable du Japon, le bouleau, le charme, le frêne ou encore, l'une des plus anciennes essences d'arbre connues, le Ginkgo Biloba, appelé aussi l'arbre aux mille écus. La culture des Bonsaïs est très célèbre pour être une culture d'intérieur. Fort souvent, le Bonsaï est décrit comme étant un végétal de décoration duquel on ne peut pas dissocier l'esthétique de sa forme avec les caractéristiques de son pot. Les deux images qui illustrent cet article plus haut en sont les exemples. Ces derniers décorent et sont exposés à la vente dans l'une des innombrables boutiques s'étalonnant au gré des huit étages du building IMS à Fukuoka. Vous remarquez toutefois que certains sont dépourvus de pots. En effet, les Bonsaïs ne sont pas uniquement destinés à l'intérieur des habitations. Au Japon, le phénomène est très intéressant, notamment dans les jardins d'extérieur. Cette culture s'est peut-être développée dans le cadre de l'espace minimal dont disposent certains habitants particuliers qui n'ont en guise de jardin qu'une petite langue de terre. Poussent ici des arbustes, des Bonsaïs, qui donnent aux habitations des allures de maisons de poupée, très charmantes et globalement extrêmement bien entretenues.
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La photo ci-dessous montre parfaitement la situation des Bonsaïs d'extérieur, notamment les Bonsaïs présents sur les rochers avant le pont. Ce fabuleux jardin n'est pas celui d'un particulier. Il se situe dans l'enclos du Palais impérial de Kyôto. La particularité de ces arbustes est de pouvoir pousser dans des conditions peu communes. Leur entretien est très rigoureux et nécessite une présence permanente si les jardiniers souhaitent qu'ils prennent une inclinaison parfaite. Voici deux exemples supplémentaires de la présence des Bonsaïs dans les intérieurs, sur le cliché de gauche, un jardin d'intérieur situé au sein d'un des plus beaux et des plus célèbres restaurants à poissons de Fukuoka, situé à Daimyo, à trois pas de l'Institut franco-japonais du Kyushu.
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L'image de droite est caractéristique de la culture des jardins d'extérieur japonais. Ce dernier est celui du parc Ohori de Fukuoka également. Un jardin japonais peut être sec ou humide, avec la présence de bassins, de ponts... Celui-ci est un jardin sec, qui se caractérise par sa rigueur et ses cultures en harmonie les unes avec les autres, rappelant le concept de l'Ikebana (生け花), qui signifie "amener les fleurs à la vie". Cet art floral importé de Chine se traduit par l'association parfaite de végétaux naturels et de fleurs cultivées dans une tradition d'offrandes faites à Buddha. Dans un jeu de perfection de couleurs, de linéarité imaginant un triangle dont les trois sommets représentent le ciel, la terre et l'être humain, la recherche de l'harmonie et d'une certaine forme de naturalisme est fondamentale.
Les amateurs de Bonsaïs seront enchantés au Japon et pourront, à leur retour, créer leur jardin japonais personnel en se rendant dans les innombrables devantures présentant à la vente ces arbustes très à la mode. Comme sur ces hautes montagnes de Chine où les premiers types de Bonsaïs furent imaginés, leur magie inondera peut-être votre intérieur et lui offrira certainement une atmosphère apaisante et charmante.

Publié dans Culture japonaise

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