Un certain goût de soufre

Publié le par Adri

J'aurais très bien pu nommer cet article "Volcanisme et subduction dans l'archipel japonais..." J'aurais alors retrouvé un tel titre dans mes déjà anciennes, hélas, leçons de géologie du lycée. Je sais de source sure qu'un professeur de la dite-matière, du dit-lycée, consulte régulièrement ces pages alors je vais essayer de m'appliquer !
Comme je vous l'ai déjà beaucoup expliqué, le Japon est soumis à des phénomènes naturels de grande ampleur : typhons, tsunami, séismes, éruptions volcaniques... Le premier phénomène est dû en majeure partie au caractère insulaire du pays, soumis aux marées différentes, aux courants d'airs et marins ainsi qu'à l'étendue importante de l'archipel dont la latitude s'échelonne entre les 45ème et 30ème parallèles sans compter les îles d'Okinawa. Les trois autres phénomènes sont eux les conséquences directes des activités tectoniques et telluriques de la zone. Le Japon se situe en effet aux points de rencontres de quatre grandes plaques tectoniques : la plaque nord-américaine, la plaque pacifique, la plaque eurasienne et la plaque philippine.  Pour faire simple, parce que je ne saurai certainement pas l'expliquer de façon complexe, la croûte océanique est créée en permanence par la lave qui s'extraie des rifts océaniques au niveau des dorsales, lieux de production magmatique. Cette création de croûte océanique oblige évidemment à ce que celle-ci soit détruite à un endroit donné. C'est ce qu'on appelle le phénomène de subduction. Les plaques convergent l'une vers l'autre et celle qui est la moins dense (la plaque océanique) plonge sous l'autre, attirée par son propre mouvement avant d'être détruite plusieurs centaines de kilomètres plus loin dans le manteau. Une fosse étroite et profonde se forme au niveau de la zone de convergence et crée une anomalie gravimétrique négative responsable de l'activité sismique et volcanique qui se développe à la surface à une centaine de kilomètres de la fosse. Le magma qui se forme avec la destruction de la plaque remonte et forme un volcan de type andésitique. C'est ainsi que le Japon forme une partie de la "ceinture de feu" par la suite d'îles volcaniques disposées en arc qui forme l'archipel.

L'activité sismique est cependant plus importante dans le centre de Honshu que dans le Kyushu. En effet, Tôkyô est régulièrement secouée par des petits tremblements de terre et les habitants de la plaine du Kantô, la région de Tôkyô, attendent un tremblement de terre historique dans les prochaines années. Surnommé "the big one", des spécialistes ont estimé à 87 % les chances que ce séisme d'une magnitude dépassant 8 sur l'échelle ouverte de Richter se manifeste dans les vingt-cinq ans. Il est l'équivalent du tremblement de terre redouté en Californie, de l'autre côté de l'océan. Le Kantô est à la perpendiculaire de la fameuse zone de subduction où les plaques pacifique et philippine plongent sous la plaque eurasienne. Les séismes sont très présents dans les actualités japonaises. Dernièrement, une équipe de scientifiques américains et japonais a découvert l'existence d'une plaque flottante sous Tôkyô qui se serait décrochée de la plaque pacifique il y a deux à trois millions d'années dans l'opération de subduction de cette dernière. Ce fragment de cent kilomètres de large serait le responsable des milliers de secousses ressenties annuellement à Tôkyô et pourrait être également la cause du futur grand séisme que je viens d'évoquer.
Toutes ces explications n'avaient en fait qu'un seul but : intégrer dans ce blog la crainte principale des japonais et parler un peu de l'activité volcanique au Japon. Je viens à ce deuxième point issu des précédentes informations, vous l'avez compris. Le Japon compte environ une petite trentaine de volcans, actifs pour la plupart. Le plus célèbre est bien-sûr le Mont-Fuji qui est un volcan de type explosif appelé stratovolcan. Cette appellation provient du fait que le cratère a une dimension très inférieure à la hauteur du pic car la lave qui s'en extraie est très visqueuse. Je vais m'intéresser pour ma part à l'un des plus importants du Japon qui est situé dans le Kyushu et où nous nous sommes rendus avec les parents. Ce volcan abrite en fait la plus grande caldeira du monde, c'est-à-dire qu'il est composé d'une quinzaine de cônes volcaniques. Son activité volcanique compte parmi les plus importantes au monde. Autour, rien. Un décor lunaire, désertique. Aucune végétation ne survit à ses fréquentes éruptions et surtout à ses émanations gazeuses sulfurées. Ces dernières ont causé la mort d'un certain nombre de personnes ces dernières années. Il est ainsi classé parmi les volcans les plus dangereux au monde. Depuis la route d'accès, une longue fumée s'échappe du cratère le plus actif, celui du Naka-Dake, qui culmine à un peu plus de 1.400 mètres d'altitude.

Nous gravissons en voiture la centaine de mètres qui nous séparent du cratère. Je suis anxieux, cet accès est limité car en cas de danger toute la zone est fermée. Venir ici et rater ce spectacle serait vraiment dommage. Tout est finalement ouvert, jusqu'aux accès les plus proches du cratère. Quelle chance ! Des panneaux clignotent partout pour avertir des dangers des vapeurs de soufre. Le vent est avec nous, il repousse la fumée nocive vers le côté opposé. Un lac d'acide sulfureux rempli le cratère d'où s'échappent de larges volutes de fumées. L'eau sulfureuse bouillonne, le chaudron semble être prêt à exploser à tout moment. Être aussi près de ce phénomène naturel est grisant. Le danger est réel mais nous restons le plus longtemps possible à photographier ce monstre en activité...
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Ci-dessus, vous pouvez remarquer les abris en béton armé construits dans les années 1990 après divers catastrophes. En cas d'éruption, les visiteurs sont priés de s'y réfugier ou de regagner le terminal du téléphérique d'accès (parallèle à la route que nous avons emprunté). Cela n'a pas suffit puisqu'en 1997, sept personnes sont mortes intoxiquées par des émanations de gaz inattendues. A droite, me voici devant le fameux cratère, d'un diamètre compris entre 400 et 700 mètres du Naka-dake que vous pouvez également admirer ci-dessous :

Bouillonnant, effrayant, le cratère regorge d'une fureur indescriptible et ces photos sont, à mon grand désespoir, peu significatives de l'impression que Aso-San m'a laissée. Nous repartons alors sans oublier un cliché plus "lointain" où l'on aperçoit bien la fumée qui s'échappe du pic :

Nous rejoignons alors par des petites routes du bout du monde les gorges de Takachiho, ballade conseillée par Matthieu, mon directeur à l'Institut. Nous traversons des forêts de bambous, longeons des rizières, nous nous faisons arrêter par la police locale qui nous demande si tout va bien. Ils nous offrent même un dépliant et une serviette de bains, allez savoir pourquoi !... Les gorges sont situées à une quarantaine de kilomètres du massif du Mont-Aso. Nous pénétrons dans la préfecture tropicale de Miyazaki. Les gorges sont le résultat de l'érosion par la rivière Gokase de laves issues du Mont-Aso. C'est pourquoi on remarque les failles comprises dans les roches qui sont le résultat d'une modification du terrain. La chute d'eau est haute de 17 mètres et il est possible d'aller y prendre un bain en louant une petite barque, ce que nous n'avons pas fait malgré la pression que j'ai mise sur les parents. Finalement, je ne la vous conseille pas car elle était de courte durée et l'investissement de 1.500 yens n'en valait visiblement pas la peine ; les parents ont souvent raison, il est vrai ! Voici en vrac, quelque photos de ces gorges magnifiques.

































































 

 

Après Takachiho, deux heures de petites routes nous ont conduits à Beppu, la "ville qui fume". Il faisait quasiment nuit mais nous avons trouvé les enfers où la fumée se dégage des maisons, des parcs, des bouches d'égouts, où dans cette ville l'eau est naturellement chaude. Nous avons aussi croisé les eaux du Pacifique. Déjà nous repartons pour Tôkyô... La suite du voyage bientôt ! Depuis Fukuoka, vous me manquez. Toi aussi tu me manques... 

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M
un peu indigeste la première partie....heureusement la suite est raffraichissante!!!!!
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S
superbes les photos des gorges, je regrette de ne pas y être allé
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